Interview de Pierre-Henri Deballon par Musique Info (Sacem)

Interview de Pierre-Henri Deballon par Musique Info (Sacem)

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“LE CASHLESS EST UN COUTEAU SUISSE”

Inter­view de Pierre-Hen­ri Debal­lon, réal­isée par Musique Info (Sacem) par Thomas Blondeau.

Cofon­da­teur et prési­dent de Weezevent, une solu­tion de paiement dématéri­al­isée util­isée par des fes­ti­vals comme les Vieilles Char­rues, Pierre-Hen­ri Debal­lon fait le point sur les craintes liées à ce mod­èle en plein essor.

Thomas Blondeau : Dans l’esprit du pub­lic ou de cer­tains organ­isa­teurs, le cash­less est par­fois con­sid­éré comme une force de vente per­me­t­tant de “faire du chiffre” en pous­sant à la con­som­ma­tion. Qu’en pensez-vous ?

Pierre-Hen­ri Debal­lon : Bien enten­du, mais étant don­né que nous sommes d’anciens organ­isa­teurs d’événements, nous con­nais­sons les prob­lé­ma­tiques aux­quelles nos solu­tions répon­dent. Notre pri­or­ité est d’offrir aux organ­isa­teurs le meilleur out­il pour leur per­me­t­tre un pilotage affiné de toutes les activ­ités du fes­ti­val, ce qui va aus­si dans le sens d’une meilleure expéri­ence pour le pub­lic. Si l’or­gan­isa­teur con­state par exem­ple un pic de con­som­ma­tion à telle ou telle heure, il peut ajuster la présence de ses équipes sur tel ou tel stand ou ali­menter son stock en con­séquence. Cer­taines idées, notam­ment en ter­mes de gains financiers pour l’organisateur sont cepen­dant très suré­val­uées. Tout laisse à penser que l’on se dirige vers des recettes supérieures grâce au cash­less mais il est impos­si­ble de le cer­ti­fi­er. Nous ne dis­posons d’aucun chiffre l’indiquant de manière rationnelle car il y a trop de paramètres en jeu (météo, afflu­ence, cli­mat économique, pro­gram­ma­tion…).

Thomas Blondeau : Les fes­ti­va­liers évo­quent quant à eux le risque de vol puisqu’il n’y a pas de code. Que répon­dez-vous ?

Pierre-Hen­ri Debal­lon : C’est la rai­son pour laque­lle notre bracelet n’est pas relié à votre compte ban­caire. C’est une ques­tion de sécu­rité: si vous perdez le bracelet, n’importe qui pour­rait en effet s’en servir et, le temps que vous déclar­iez la perte, votre compte ban­caire resterait ouvert. Vous ne pou­vez donc que créditer le bracelet du mon­tant désiré via une borne ou une appli­ca­tion. Vous créditez par exem­ple votre carte de 30 € et utilisez cette somme jusqu’à ce qu’elle s’épuise. Sur les Vieilles Char­rues, que nous avons équipées en 2015, 80 % des fes­ti­va­liers ont rechargé à nou­veau leur carte.

Thomas Blondeau : Le rem­bourse­ment est-il pos­si­ble si l’utilisateur n’a pas con­som­mé tout son crédit ?

Pierre-Hen­ri Debal­lon : Oui, mais c’est à l’organisateur de décider. Nous les encour­a­geons cepen­dant à le faire pour une rai­son sim­ple : cela sécurise le pub­lic vis-à-vis de sa con­som­ma­tion. Il va créditer d’emblée la somme néces­saire sans crain­dre de per­dre de l’argent, ce qui évite les files d’attente en flu­id­i­fi­ant les caiss­es de recharge­ment. Pour le fes­ti­val, c’est aus­si une ques­tion d’image et de con­fi­ance que d’accepter le rem­bourse­ment.

Thomas Blondeau : Que faites-vous des don­nées con­tenues dans les bracelets ?

Pierre-Hen­ri Debal­lon : Nous ne les récoltons pas, elles appar­ti­en­nent au client, en l’occurrence le fes­ti­val. Pour autant, leur util­i­sa­tion, y com­pris par l’organisateur, doit dépen­dre de l’utilisateur final qui décide s’il souhaite partager ces don­nées avec des parte­naires. Et il existe en la matière des garde-fous juridiques quant au partage des don­nées per­son­nelles. En somme, le cash­less est un couteau suisse avec lequel il est pos­si­ble de faire de nom­breuses choses: on peut l’utiliser en dis­ant: “M. Mar­tin, vous avez bu 50 bières aux Vieilles Char­rues, vous étiez donc éméché et nous le savons”, mais l’intérêt pour un organ­isa­teur est plutôt de con­stater que lorsqu’il joue du R’n’B ou de la pop, ses buvettes sont pris­es d’assaut, ou l’inverse, et de pilot­er son fes­ti­val en vue d’une meilleure expéri­ence pour ses par­tic­i­pants.

Thomas Blondeau : Le cash­less va donc bien plus loin que le sim­ple paiement ?

Pierre-Hen­ri Debal­lon : Tout à fait, et de nom­breuses util­i­sa­tions peu­vent se révéler intéres­santes pour le fes­ti­va­lier comme pour l’organisateur, y com­pris en ter­mes de sécu­rité, de con­trôle d’accès ou même de ges­tion des per­son­nes en sit­u­a­tion d’urgence. Si tous les par­tic­i­pants sont badgés, cela peut être notam­ment très effi­cace quant à l’identification des vic­times. Bad­ger les gens en fonc­tion du degré de grav­ité d’une blessure peut aus­si per­me­t­tre une meilleure répar­ti­tion vers les cen­tres de sec­ours. Il s’agit de prob­lé­ma­tiques liées à des métiers qui n’ont rien à voir avec le diver­tisse­ment mais qui méri­tent d’être creusées. Il ne s’agit pas seule­ment d’aller boire une bière sans faire la queue, et c’est aus­si sur cela que nous tra­vail­lons.

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