Initialement prévu du 29 au 31 mai 2020, le festival Papillons de Nuit a rapidement reporté son édition annuelle au week-end du 21 au 23 août après les annonces des mesures prises pour lutter contre l’épidémie de COVID-19. Comment les organisateurs ont pu décider aussi rapidement ? Qui est mobilisé pour que cette édition ait lieu coûte que coûte ? Toutes les réponses aux questions que vous vous posez sont dans cet article. Plongez en exclusivité dans les coulisses de ce report à travers un entretien avec Pierre-Olivier Madelaine, Administrateur du festival.
À la surprise générale, votre décision de reporter l’édition 2020 de Papillons de Nuit a été prise très rapidement. Comment cela s’est-il passé concrètement ?
La situation était particulière car nous tenions notre conférence de presse pour annoncer le programme du festival le jeudi 12 mars, 1h avant le premier discours d’Emmanuel Macron à propos de l’épidémie de Covid19. Tout le monde ne nous parlait que de ça, à commencer par les journalistes, pour savoir si nous allions maintenir ou annuler le festival. Jusqu’à ce moment-là nous continuions de croire que tout allait se passer normalement. Nous ne parlions pas d’annulation et un report était inenvisageable. La tâche paraissait colossale.
Ensuite, le discours du Président de la République nous a fait réfléchir et les mesures se sont durcies dans la foulée, le week-end du 14 – 15 mars : fermeture des écoles, des commerces, des bars et de tous les lieux de spectacle. À ce moment-là nous nous sommes dit “ça ne sent pas bon pour nous”. Nous avons donc beaucoup discuté d’un plan B et le lundi 16 mars nous avons commencé à sonder les tourneurs pour connaître la disponibilité de leurs artistes. En l’espace de 2 jours, nous avons eu de nombreux retours positifs qui nous permettaient de sauver 80% de notre programmation.
La sauvegarde de la programmation a donc été le tournant décisif ?
Oui. Nous nous sommes dit qu’un report n’était plus forcément impossible. Nous avons donc contacté tous nos plus grands prestataires techniques et logistiques, et ils nous ont assurés qu’ils répondraient présents pour nous accompagner. Ce sont des partenaires fidèles et ils auront besoin de travailler quand l’activité redémarrera. En une semaine nous avons validé la majorité de la programmation ainsi que la partie technique et logistique.
Le fait d’être une association est une force car nous avons d’abord pu discuter dans un groupe restreint de 5-6 personnes et chacun a ensuite travaillé de son côté pour vérifier la disponibilité des forces de l’ordre, des pompiers et de tout ce qui concerne la sécurité. Tous les voyants étaient au vert pour un report. Nous en avons progressivement parlé à tous nos prestataires. Quand nous avons eu assez d’éléments de réponse, nous avons décidé d’annoncer le report le plus vite possible car notre public commençait à fortement s’interroger.
Le mercredi 25 mars, nous avons donc annoncé le report de l’édition 2020 au week-end du 21 – 23 août. Cela nous a permis de montrer que nous étions déjà au travail pour préparer la nouvelle date. En interne, nous sommes tous en télétravail donc cela nous permet de rester dans l’action sans cogiter. Cela nous donne une bonne bouffée d’oxygène.
Papillons de Nuit devait avoir lieu du 29 au 31 mai. La marge était-elle trop faible ?
Oui, nous nous sommes dits qu’il y avait trop peu de chances d’obtenir les autorisations nécessaires à la tenue du festival, et quand bien même, nous aurions pris trop de retard dans la préparation. L’important est la sauvegarde du festival. Nous nous adaptons donc sur tout, avec les moyens du bord, et nous ne restons pas immobiles.
Les gens sont contents de voir que le festival va peut-être avoir lieu malgré tout, ça redonne un peu d’espoir. Faire une année blanche serait économiquement très difficile. Nous nous sommes dit que d’une manière ou d’une autre, comme tout le monde, nous allions perdre de l’argent. Autant en perdre en faisant quelque chose plutôt qu’en restant chez nous. Nous avons battu notre record de fréquentation en 2019. Nous étions partis pour le dépasser de nouveau cette année en fêtant nos 20 ans avec une super programmation. Nous aurions été abattus moralement d’annuler cette édition du jour au lendemain. L’annonce de report a permis de remobiliser les troupes. Tout le monde est gonflé à bloc.
Quelles ont été les réactions parmi tous ceux qui font que P2N continue de battre des records depuis 20 ans ?
Nous avons reçu des messages de soutien. Les gens étaient surpris qu’on ait réussi à annoncer un report aussi rapidement. Ils savent que reporter un festival signifie que nous devons déplacer des montagnes. Mais cela montre surtout la force de notre association. Nous sommes réactifs et solidaires. Nous nous serrons les coudes car nous devons être capables de faire de grandes choses pour notre territoire. Nous avons aussi la chance de pouvoir compter sur un emplacement accessible tout au long de l’année car ce sont des agriculteurs locaux qui nous mettent à disposition leurs terrains. La municipalité a aussi tout mis en oeuvre pour faciliter le report.
Nous restons mobilisés vis-à-vis de nos 1 400 bénévoles et 280 entreprises partenaires, de notre centaines de prestataire et des intermittents, et surtout pour ce que représente notre projet associatif sur le territoire. Il y a un microcosme économique, social et culturel autour de Papillons de Nuit. Nous sommes un projet porté par tout un territoire, avec des retombées économiques importantes. Nous ne sommes pas qu’un festival.
Côté participants, avez-vous dû adapter votre dispositif de communication ?
Oui, tout à fait. Nous avons d’abord rédigé un article de blog le plus exhaustif possible pour donner des réponses claires au public. Nous avons créé une adresse e-mail partagée entre 3-4 personnes entièrement consacrée aux questions relatives à la billetterie. Des réponses types nous permettent de répondre facilement à 95% des questions.
Le nombre d’appels et d’e-mails a augmenté entre la conférence de presse et l’annonce du report. Nous avions annoncé la programmation, les animations spéciales pour nos 20 ans… mais le public ne nous parlait que de l’actualité et du COVID-19. Il voulait savoir si le festival était maintenu ou annulé. Après l’annonce du report, pendant 2-3 jours, nous avons eu beaucoup de questions sur la validité des billets, les remboursements, etc. Ça s’est calmé ensuite.
L’avenir est encore incertain pour les festivals d’été. Comment le vivez-vous ?
C’est encore trop tôt pour dire ce qu’il va se passer pour les festivals d’été. Nous vivons au jour le jour mais nous pourrons au moins dire que nous avons tout tenté. Nous n’aurons pas de regrets à avoir car nous aurons fait tout ce que nous avons pu.
Si nous arrivons à organiser l’édition 2020 de P2N coûte que coûte, nous aurons fait quelque chose d’incroyable. Il y a deux ans nous avons eu des soucis avec une tête d’affiche. L’année dernière nous avons frôlé l’annulation à cause d’une tempête. À chaque fois nous avons tenu bon. Nous sommes forts dans nos têtes et dans notre organisation. Nous voulons le prouver encore une fois.
Nous remercions le festival Papillons de Nuit de nous avoir répondu et souhaitons du courage à ses équipes. Il en va de même pour tous les festivals et tous les événements touchés par cette crise sans précédent. Nos équipes sont toujours joignables pour vous accompagner au quotidien : Nous contacter.
Photos : Nico M Photographe